Masculinisme : Comprendre la résurgence d’une idéologie rétrograde

Phénomène ancien remis au goût du jour, le masculinisme revient hanter les débats contemporains. Loin d’un simple mouvement d’opinion, il se distingue par une capacité à épouser les codes de l’époque : discours bien calibrés, relais médiatiques influents, forte présence sur les réseaux. Entre relecture nostalgique des rapports sociaux et volonté affirmée de reprendre une forme d’ascendant, cette idéologie mérite qu’on s’y attarde.

Car derrière ses revendications se dessine une interrogation plus large : comment une société qui se dit en marche vers plus d’égalité peut-elle voir réémerger, avec vigueur, des récits de revanche genrée ?

Définition et origines du masculinisme

Derrière l’étiquette de « défense des droits des hommes », ce courant regroupe divers acteurs convaincus que les évolutions sociales récentes ont abouti à un déséquilibre, à leur détriment.

Le terme apparaît pour la première fois, en français, en 1898, sous la plume de la militante féministe Hubertine Auclert, qui s’en sert pour désigner le patriarcat et son système d’oppression.

Le masculinisme tel qu’on le connaît aujourd’hui prend véritablement forme dans les années 1970 aux États-Unis, en réponse directe aux avancées féministes telles que l’accès à l’emploi ou la remise en cause des rôles familiaux « classique »… Au fur et à mesure de cette évolution égalitaire, une partie de la population masculine se sent désorientée, voire menacée.  

Par la suite, le mouvement se structure dès les années 1980, avec l’apparition de groupes qui revendiquent une crise de la masculinité et appellent au rééquilibrage des rapports de genre. On voit alors émerger des figures publiques, des auteurs, des associations, mais aussi des rhétoriques victimaires : « pères bafoués », « maris réduits au silence », « castrés » par une société qui n’aurait plus de place pour eux.

Au XXIe siècle, Internet donne une tribune mondiale à ces discours. Les forums comme Reddit, 4chan, puis les réseaux sociaux, deviennent des incubateurs puissants de cette doctrine anti-égalité. Les incels (célibataires involontaires), les MGTOW (Men Going Their Own Way), les coachs en séduction et autres gourous de la domination 2.0 partagent un même fantasme : revenir à un ordre dit naturel où l’homme domine et où l’égalité s’efface.

 

Les facteurs contemporains qui favorisent la résurgence machiste

Le masculinisme se nourrit d’un terreau bien fertilisé par les frustrations sociales, les reconfigurations de pouvoir entre les genres et surtout, une incapacité chronique à perdre ses privilèges. À la croisée du ressentiment et du buzz, plusieurs dynamiques contemporaines participent à son essor.

 

Quand les réseaux sociaux deviennent des canaux pour égos fragiles

Sur les plateformes numériques, certains influenceurs transforment leurs complexes en dogme viral. Andrew Tate, ancien kickboxeur et actuel marchand de reconquête sous stéroïdes, incarne parfaitement ce phénomène. Malgré une impressionnante collection de casseroles judiciaires – viols, traite humaine, et maintenant une enquête pénale en Floride pour viols et traite d’êtres humains – il reste l’un des visages les plus populaires de la masculinité toxique, avec plus de 6 millions d’abonnés sur X en 2025. Malheureusement, il n’est pas seul. On pense à Rollo Tomassi ou Richard Cooper.

Les réseaux sociaux amplifient ces discours jusqu’à les normaliser. Voilà qui soulève des questions sur la manière dont les nouvelles technologies ont transformé notre rapport aux autres et à l’information.

Cependant, les médias traditionnels ne restent pas à la traîne. La chaîne de télévision CNews et le magazine hebdomadaire Valeurs Actuelles, bras médiatiques des conservateurs racistes et misogynes, s’inquiètent d’une France « féminisée » et recyclent l’angoisse identitaire genrée en créneau éditorial lucratif.

La discrimination inversée : le nouveau mythe des chevaliers en détresse

D’après une étude de YouGov et du Young Men Research Initiative, 65 % des hommes de 18 à 29 ans affirment que « les garçons peuvent voir leur réputation détruite juste pour avoir exprimé leur opinion ». Une angoisse partagée par 85 % des jeunes hommes soutenant Donald Trump.

Sauf que les faits racontent autre chose. Voici quelques exemples pêle-mêle :

·         Roman Polanski, accusé d’agression sexuelle sur mineure en 1977, continue de briller au panthéon du cinéma mondial.

·         Bertrand Cantat, reconnu coupable de l’homicide de Marie Trintignant, remplit les salles et vend toujours des disques.

·         Kevin Spacey, accusé d’agressions sexuelles sur mineurs a, certes, connu une parenthèse professionnelle, mais un prix honorifique en Italie en 2023 et un retour annoncé au cinéma viennent tranquillement refermer ce chapitre gênant.

·         Sébastien Cauet, mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur mineure en 2023, revient sur Europe 2 pour animer la matinale en 2025, comme si de rien n’était.

Leurs carrières témoignent moins d’un « matriarcat tyrannique » que d’une indulgence persistante envers les hommes puissants.

 

Virilité et précarité : le cocktail explosif

La force brute devient une monnaie de compensation lorsque la réussite économique fait défaut. Une étude publiée dans Frontiers in Psychology révèle que plus une société est inégalitaire, plus les qualités dites « masculines » (compétition, dominance, assertivité) sont valorisées.

Résultat : les élites, déjà privilégiées, passent pour des parangons de vigueur. Pendant ce temps, les précaires sont perçus comme empathiques, solidaires, donc faibles selon la doxa testostéronée.

Ce décalage devient le carburant émotionnel de cette idéologie rétrograde. Il offre aux plus fragilisés un récit dans lequel leurs difficultés ne relèvent pas des injustices économiques, mais d’un complot féministe ! Grâce à cette victimisation, ce mouvement capitalise sur un besoin de reconnaissance et valorise des modèles de machisme violents.

Pourtant, la biologie raconte une autre histoire. Le placenta d’une femme est construit à partir des gènes de son père, lesquels affectent la communication hormonale de ce dernier entre cette femme et son bébé. Une collaboration silencieuse, vitale, qui rappelle que la contribution paternelle n’a pas besoin d’éclats pour exister. Elle agit, discrète, mais essentielle.

Et l’on voit que la difficulté affective et les fragilités narcissiques favorisent ce rapport de force stérile entre deux camps.

 

Figures dominatrices : quand le pouvoir se muscle à la testostérone


À grand renfort de provocations, de tweets douteux ou de scènes musclées surjouées, certains leaders publics s’appliquent à recycler un scénario périmé : celui du mâle alpha triomphant et bruyant. Cependant, cette caricature de virilité est, ironiquement, bien loin de la vérité. La posture virile, la vraie, ne parle pas fort, car elle n’a pas besoin de se prouver.

 

Donald Trump et la rhétorique sexiste en politique

Donald Trump, roi incontesté du bon mot misogyne, incarne une stature politique à l’ancienne, celle qui insulte, frappe du poing et drague sans filtre. Là encore, ce modèle d’autorité vociférante éclipse les formes de leadership fondées sur la retenue, la nuance ou la coopération, des qualités compatibles avec une identité virile assumée.
Rappelons quelques perles : Megyn Kelly, qualifiée de “bimbo” en plein débat ; Kamala Harris, comparée à une prostituée sous ses rires complices ; et bien sûr, le fameux enregistrement où il se vante de pouvoir “tout faire” à ses interlocutrices grâce à sa célébrité. Cela est tout à fait charmant.
Et pourtant, surprise : les électeurs ont de nouveau voté pour ce modèle d’élégance. Mieux : il a séduit les détenteurs de privilèges de la classe moyenne, convaincus que leurs droits fondent comme neige au soleil. La lutte contre le sexisme serait devenue leur pire cauchemar.
Le problème ? Cette indulgence électorale normalise le sexisme, encourage ses imitateurs et traverse même l’Atlantique. En France, certains politiciens prennent des notes.


Elon Musk et la culture de l’ordre établi

Place au technopape ! Elon Musk, ce génie des fusées et des cryptomonnaies, s’illustre aussi comme spécialiste des tweets prépubères. Créer une université au doux acronyme “TITS” ? Voilà une “blague” du PDG qui semble détester celles qu’on qualifie injustement de sexe faible.

Ajoutons à cela des accusations de harcèlement sexuel chez Tesla et SpaceX, un règlement à 250 000 dollars pour faire taire une hôtesse de l’air gênée par son comportement, ainsi qu’une campagne Twitter de harcèlement contre Vijaya Gadde, des procréations in-vitro où il fait le choix délibéré de n’avoir que des garçons, et la boucle est (presque) bouclée.

En 2024, le tableau se corse : Musk injecte 277 millions de dollars dans la campagne de Donald Trump. Résultat ? Un joli siège à la tête du DOGE (Département de l’Efficacité Gouvernementale). L’ultra-libéralisme flirte désormais ouvertement avec la culture macho. Or, quand les plus riches du monde financent l’agenda politique masculiniste, il devient urgent de ne plus détourner le regard.


Gérard Depardieu : l’impunité en héritage

Monstre sacré du cinéma français, Gérard Depardieu est aujourd’hui au cœur de multiples affaires judiciaires. En mars 2025, il comparait devant le tribunal correctionnel de Paris, accusé d’agressions sexuelles sur deux actrices durant le tournage du film Les Volets verts.

Le parquet ne requiert que dix-huit mois de prison avec sursis et une amende de 20000 euros. Une somme bien modeste.

L’actrice Charlotte Arnould l’accuse de viol depuis 2018, une procédure toujours en cours d’instruction. À cela s’ajoute une plainte pour viol déposée par la journaliste espagnole Ruth Baza en 2023, pour des faits datant de 1995.

Trois victimes, des années de silence et un acteur toujours adulé.

Lors de son procès en correctionnel, son avocat  Me Jérémie Assous formule des demandes de nullité durant 1 h 45.
Gérard Depardieu « bénéficie d’un traitement de faveur » estime une avocate de la partie civile, Maître Claude Vincent. Car « le dossier tel qu’il est là, en temps normal, il est jugé en 2-3 heures, au milieu de 10 autres dossiers, en audience correctionnelle, de manière tout à fait classique », explique-t-elle sur RTL.  » Là, initialement, c’était une demi-journée complète, ce qui était déjà énorme, prévu uniquement pour son dossier. Ça n’arrive quasiment jamais, en tout cas pas pour ce type de dossier. (…) Le justiciable lambda, il n’est absolument pas jugé dans ces conditions ». Avant d’ajouter : « Je pense qu’on a pendant trop longtemps appelé gros lourd ou goujat des agresseurs sexuels ».

L’affaire Depardieu dépasse largement le cadre d’un procès. Elle révèle une équation bien connue : puissance symbolique + capital artistique = quasi-immunité sociale. Dans un pays où l’on vénère autant les figures tutélaires qu’on oublie les voix des victimes, ce traitement différencié pose un très sérieux problème d’équité.

 

Conséquences sociétales et politiques : retour vers le futur… patriarcal

Le mythe du mâle en danger ne se limite pas à quelques tweets sulfureux ou à des vestiaires parfumés à la bière : il infiltre les politiques publiques, les idéologies sociales et les échanges numériques.

Recul organisé des droits des femmes : un progrès en marche arrière

Des États-Unis à l’Europe, l’autorité en costume trois-pièces se refait une santé législative.
Les sénateurs républicains bloquent des lois protégeant l’accès à la contraception. En effet, leur programme « Project 2025 » prévoit de supprimer la pilule du lendemain gratuite pour 48 millions d’Américaines.
La tendance est claire : plus les citoyennes avancent, plus certains législateurs reculent. Une contre-révolution misogyne sous couvert de tradition, qui cherche à contrôler les corps car la liberté féminine les dérange.

Les Trad Wives : desperate housewives 2.0

Je mets les désirs de mon mari avant les miens» : les tradwives, le mouvement ultraconservateur qui prône le retour de la femme au foyer

Dans cette atmosphère nostalgique, les “Trad Wives” ressuscitent une vision domestique du bonheur : la liberté s’échange contre une toque de cuisine, le droit de vote contre des tutos de repassage en robe fleurie. Leur credo ? L’harmonie conjugale passe par l’obéissance joyeusement affichée. Sur les réseaux, elles livrent recettes, prières et astuces pour garder un mari heureux, autrement dit : muet et sécurisé par une douceur docile.

On remarquera que ces dernières appartiennent à une catégorie sociale supérieure et qu’elles sont les épouses d’hommes privilégiés. Il est plus facile de jouer les femmes d’une autre époque quand on n’a pas besoin de travailler.

En France, Thaïs d’Escufon, ex-porte-parole de Génération Z, défend une vision ultra-conservatrice des rôles genrés. Entre promotion de la femme au foyer, rejet des luttes pour l’égalité et esthétique rétro catholique, elle s’érige comme modèle d’un ordre social révolu, repeint en rose poudré. Petit florilège de ses pensées :

 

 

Sauf que cette utopie ne tient pas face à la réalité économique. En effet, la plupart des femmes ne peuvent pas se permettre de vivre sur un seul salaire. Quant au droit de se réaliser ailleurs que dans la cuisine, c’est une option que certaines aimeraient conserver. Mais chuuut !

Quand la haine se déguise en nostalgie : violences et vengeance

Le retour du mâle alpha laisse derrière lui un sillage funeste.

En 2023, 103 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en France, le chiffre est de 88 en 2024. Si la tendance est à la légère baisse, ces données restent inquiétantes.

Par ailleurs, le revenge porn s’ajoute à ce tableau. Un terme qui cache une forme moderne de vengeance sexiste, où d’anciens partenaires diffusent des images intimes sans consentement, brisant des vies à coups de clics.

La violence change de format, mais pas de logique : dominer, punir, effacer.

Cette régression accompagne celle des droits de toutes les minorités, à une époque de submersion des idées d’extrême droite en Amérique et en Europe.

Et l’ « inversion accusatoire » que nous avons décrite, qui consiste à renverser les responsabilités et les torts, les concernent toutes. Une femme noire immigrée dans ces régions du monde est aujourd’hui la personne la plus vulnérable. Éric Zemmour pour qui la culture Arabe est un danger pour la France, récite à l’infini les mantras de « l’homme fort », ancien, menacé par « la femme moderne » qui l’affaibli, et d’une hiérarchie des sexes qui mériterait d’être restaurée.

La haine genrée, en effet, flirte avec d’autres extrêmes : racisme, autoritarisme, glorification de la violence. La promotion de la virilité, de la force physique et du culte du corps masculin a été une constante des impératifs nazis.

Quand la nostalgie viriliste adopte les codes des régimes passés, le masculinisme rejoue les symboles d’une histoire sombre. Le geste de Musk, mimant un salut nazi lors de l’investiture de Donald Trump n’a rien d’anodin, au contraire, il incarne la manière dont cette idéologie emprunte aux rhétoriques de domination les plus brutales pour légitimer ses fantasmes de supériorité.

 

Science et technologie : la logique binaire jusqu’au bout des équations

Dans l’imaginaire collectif, une fille douée en mathématiques relève encore de l’anomalie poétique.

Dès l’école primaire, l’Académie des sciences l’a observé : les enseignants, souvent sans le vouloir, véhiculent l’idée que les sciences dures conviendraient mieux aux garçons. Résultat : les femmes ne représentent encore qu’un quart des ingénieures en poste.

Malgré les efforts d’associations comme Elles bougent, les mentalités résistent. Dans l’imaginaire collectif, l’ingénieur est un homme rationnel fermé à l’émotion. La technique, la logique ou encore la maîtrise des outils sont autant de domaines que les hommes ont accaparé, comme s’il s’agissait de territoires à défendre. Or, tant que la technologie reste majoritairement pensée et développée par des hommes, les biais de genre continueront à se glisser dans les algorithmes comme dans les recrutements. De ce fait, l’égalité devra patienter dans la salle d’attente du progrès.

Briser le mythe du mâle opprimé, point par point

Face à ce repli identitaire, le féminisme incarne une nécessité politique, sociale et culturelle. Mais pour rester efficace, il doit se garder des pièges que ses adversaires aiment agiter : excès, haine et exclusion.

Le féminisme, rempart contre le masculinisme

Impossible d’ignorer la réalité : en 2023, les femmes salariées du secteur privé perçoivent encore 22,2% de moins que leurs collègues masculins. En 2024, à peine 28% des postes de direction générale du CAC 40 reviennent à des femmes, même si ce chiffre est en croissance constante.

Quant aux violences, une femme sur trois dans le monde subit au cours de sa vie une agression physique ou sexuelle. On parle ici de chiffres, pas dopinions.

C’est précisément parce que ces inégalités perdurent que cette lutte est incontournable. Ce mouvement est un outil d’analyse, de lutte, de transformation, qui éclaire les structures de domination que certains préfèreraient voir disparaître sous le tapis. Et c’est bien ce que certains groupes moyenâgeux cherchent à empêcher : remettre en cause les privilèges établis.

Face à la rhétorique victimaire, qui hurle à la « discrimination inversée » dès qu’une dirigeante obtient un poste ou prend la parole, le féminisme oppose des faits, des données, et une exigence d’égalité. Le féminisme juste ne cherche pas à remplacer une domination par une autre, mais à créer un espace commun, et équitable. Pour toutes et tous.

Le danger des caricatures : attention à la misandrie

La meilleure défense du masculinisme? Lattaque ! Ces messieurs anti-égalitaires érigent l’émancipation en menace existentielle et la caricaturent jusqu’à labsurde. Les pamphlets ultra-marginalisés comme le SCUM Manifesto deviennent des références incontournables dans leurs argumentaires. Ainsi, sur les réseaux, les « féminazis » ou « misandres » peuplent les commentaires, peu importe si la personne visée réclamait simplement l’égalité salariale !

De même que le qualificatif d’hystérique, qui ressurgit dès qu’une femme exprime une colère légitime et élève la voix. Il est bien de rappeler que ce terme est hérité de la psychiatrie du XIX siècle. Il renvoyait à une supposée « maladie de l’utérus » – hystéron en grec – pour expliquer des comportements jugés comme excessifs ou irrationnels. Les mots ont un sens. En d’autres termes, un simple désaccord ou une émotion devient, dans la bouche de certains, une pathologie. Ce réflexe sémantique disqualifie les résistances féminines en les ramenant au registre de la fragilité émotionnelle.

Cette rhétorique transforme le débat en champ de bataille. D’un côté, certains courants féministes effacent toute différence pour justifier une égalité absolue ; de l’autre, le « sexe fort » en profite pour glorifier une puissance, là aussi soi-disant, supérieure.

La confusion s’invite aussi dans l’engouement pour le non-genré, quand il est une tentative d’éradication des différences biologiques. Car nier les spécificités revient à invisibiliser les inégalités concrètes.  L’homme et la femme n’ont pas besoin d’être identiques pour être égaux. L’égalité ne naît pas de l’uniformité mais de la justice et du respect équitable des différences.

Pendant ce temps, les fake news prospèrent. Citations déformées, propos inventés, images sorties de leur contexte : tout devient arme pour décrédibiliser l’autre camp.

Les effets délétères d’une campagne misandre

La polarisation du débat, entretenue par les extrêmes des deux camps, légitime le repli identitaire, nourrit les discours de revanche et crée un climat d’affrontement.

Certains leaders populistes, comme Trump ou Bolsonaro, ne s’y sont pas trompés : la « menace féministe » devient l’ennemi utile, celui qui permet de flatter les egos blessés d’un électorat masculin en quête de repères.

Derrière cette guerre des genres, se cache un non-dit fondamental : ce ne sont pas les droits équitables que ces hommes refusent, mais la perte d’un pouvoir qu’ils n’ont jamais vraiment mérité. Car s’il fallait se battre à armes égales, leur domination ne tiendrait pas plus de trois rounds  !

À l’inverse, les courants ultra-radicaux, qui prônent la haine de l’autre moitié de la population, donnent des munitions à leurs opposants. L’ironie, c’est qu’en ciblant les chefs de meute, elles en réactivent les réflexes les plus archaïques.

Au final, le masculinisme s’ancre dans des logiques de pouvoir bien concrètes. Ses relais se multiplient dans les écoles, les entreprises, les médias, les plateformes numériques et jusqu’aux urnes. Partout où les règles du jeu peuvent être réécrites pour ralentir l’émancipation féminine, ce courant s’infiltre, rebaptise ses privilèges en droits bafoués et cherche à faire passer la défense des dominants pour une quête d’équilibre. Or, réduire la puissance masculine à une posture défensive trahit justement ce que ce mouvement prétend défendre. La force n’a pas besoin de prouver sa domination pour exister.

Face à cela, le féminisme ne peut se contenter de répondre sur le terrain symbolique. Il doit se réinventer dans les pratiques, s’adresser à celles et ceux qui hésitent encore et rappeler que cette lutte n’est pas celle d’un camp contre un autre, mais d’un projet de société contre un retour en arrière.